Pharmaciens d’officine et CNAM : La caisse hausse le ton
Dans le feuilleton annuel CNAM-SPOT syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie, on en était à la grande décision du 8 juillet 2015, qui consistait, à partir de cette date, de ne plus servir les ordonnances des affiliés du tiers payant. C’était un moyen de faire pression sur la caisse, pour qu’elle accepte leurs revendications. Ce ne fut pas le bon. La CNAM est restée intransigeante, tout en laissant la porte ouverte aux négociations.
Le mouvement entamé par les pharmaciens n’eut pas l’effet escompté aussi bien sur les citoyens, s’estimant otages de ces pourparlers, que sur les officinaux eux même. Il ne restait plus qu’à retourner au dialogue. La CNAM gagne cette première manche.
Que veulent les pharmaciens ?
En fait les enjeux pour les quels se battent les pharmaciens sont considérables : il y a des monopoles à ne pas rater. Aujourd’hui ils le disent haut et fort. Il s’agit de récupérer les médicaments spécifiques, jusque là distribués par la CNAM à travers les différentes polycliniques de la CNSS. Il s’agit d’une enveloppe de près de 400 Milliards de nos millimes. Ces médicaments sont mis à la disposition des malades gratuitement. Si la CNAM décidait de les mettre dans le circuit du marché des officinaux, ces derniers appliqueraient leur marge bénéficiaire et le coût global de cette enveloppe sera majoré de 30 à 40%. Un trou supplémentaire dans le « budget médicaments » de la CNAM, dont elle se passerait bien. Selon nos informations, la caisse n’est pas prête de faire cette concession aux pharmaciens. Conséquence immédiate de cette intransigeance : les officinaux assouplissent leur position. Pour commencer, même une partie des médicaments spécifiques ferait l’affaire. Les médicaments spécifiques sont des médicaments qui coûtent très cher, qui concernent des maladies chroniques, en particulier les cancers, les plus nombreux, la stérilité, l’Alzheimer etc.
Que répond la CNAM ?
Lors des dernières séances de négociations, la CNAM, en position confortable, hausse le ton et met sur la table ces exigences : tout ce qui sera décidé sera valable pour une durée de six mois à partir de la date de signature, et non plus un an. Plus question d’avoir une épée de Damoclès, chaque année au mois de juillet.
Voici ce que propose la CNAM« Article 90 nouveau : les parties conviennent de reconduire ladite convention, telle que modifiée par les textes subséquents, pour une période de six ans à partir de la date de la publication de l’arrêté d’approbation de cet avenant par le ministre chargé des affaires sociales. Elle est reconduite tacitement pour une période de même durée. Tout manquement grave par l’une des parties à ses obligations définies dans la présente convention, fera l’objet d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception à la partie opposée dont une copie est adressée au Ministre chargé des affaires sociales. Et conformément à l’article 12 du décret n° 2005-3154 du 6 décembre 2005, portant détermination des modalités et procédures de conclusion et d’adhésion aux conventions régissant les rapports entre la caisse nationale d’assurance maladie et les prestataires de soins, ainsi que l’article 18 de la convention cadre, seule la commission sectorielle nationale est habilitée à statuer sur le caractère grave des manquements.A défaut d’entente entre les deux parties dans un délai de six mois à partir de la date de décision de la commission sectorielle nationale, la convention pourrait être résiliée. »
En ce qui concerne les médicaments spécifiques, il est possible que la CNAM fasse un petit geste, pour certains médicaments mais pas avant d’avoir signé avec les officinaux la nouvelle convention sectorielle pour une durée de six mois : «Pour la demande du SPOT qui se rapporte à la prise en charge des quatre classes de médicaments spécifiques au niveau des officines (médicaments : de la stérilité, de l’hypercholestérolémie, de l’ostéoporose, de la maladie d’Alzheimer). La CNAM précise que la réponse à ladite demande nécessite la révision des textes actuels régissant notamment les APCI et le Régime de Base. La réponse à cette demande exige la concertation de l’ensemble des intervenants dans le sujet. La CNAM s’engage à donner suite à cette demande dans un délai ne dépassant pas les 6 mois à partir de la date de reconduction de ladite convention pour sa période habituelle. »
La déception des pharmaciens
La CNAM est en position de force, la CNAM hausse le ton. La déception des pharmaciens est grande. Vont-ils pour autant se laisser faire ?
La décision de la commission sectorielle peut être, d’ores et déjà, connue d’avance et ne sera jamais en faveur de la résiliation même si le syndicat réussit à réunir toutes les preuves nécessaires. Cette proposition est en régression par rapport au texte actuel. La commission sectorielle nationale est composée de : un représentant du Ministère des Affaires Sociales (président), un représentant du Ministère de la Santé, trois représentants la caisse et trois représentants du syndicat des pharmaciens. Les décisions sont prises à la majorité des voix des membres présents et en cas d’égalité la voix du président est prépondérante.
Concernant le dossier des médicaments dits « spécifiques » et à propos duquel le Syndicat des pharmaciens a fait des concessions importantes en ne parlant plus que de certaines classes (4) et uniquement pour les filières privé et remboursement, « nous sommes étonnés qu’une telle demande, qui sert avant tout l’intérêt du malade et procure une plus grande équité entre les citoyens des différentes régions du pays et sans incidence financière sur le budget de la CNAM ( peut être même gagnant), ne trouve pas un écho favorable auprès des autorités et des différentes organisations censées défendre l’intérêt des citoyens » .
Devant cette impasse et pour débloquer la situation, le SPOT a présenté un compromis qui consiste à entériner l’accord sur les questions relatives à la révision de la convention sectorielle et renouveler pour une année pour permettre la poursuite des négociations sur la question des médicaments dits « spécifiques » dans un climat serein. « Malheureusement la direction de la CNAM ne semble pas prête à accepter ce compromis et tout porte à croire qu’elle est décidée à jouer la carte du pourrissement de la situation jusqu’au bout (comme si elle fait tout pour se débarrasser du mode tiers payant) »
L’avenir de la corporation des pharmaciens d’officine
Toujours selon les pharmaciens de libre pratique « l’enjeu de ce mouvement, ne concerne pas seulement notre relation avec la CNAM ou la récupération d’une partie de notre monopole, il est devenu, qu’on le veuille ou non un test sur la capacité de la profession à défendre ses droits, son mode d’exercice, sa place au sein de la société. Son issue va déterminer en grande partie l’avenir de la profession.
L’action syndicale, si par malheur, elle échoue maintenant, ne se relèvera pas de sitôt, laissant ainsi la profession sans défense. Alors que chacun mesure la gravité de la situation et en tire les conséquences qui s’imposent ». Affaire à suivre
Samira Rekik