Traitement du cancer du rein : la piste du Dr Yosra Messai

C’est dans le numéro de Novembre 2015, de la prestigieuse revue scientifique « European journal of urology » que nous avons eu le plaisir et la fierté de voir que la Tunisie regorge de compétences, qui travaillent, que nous ne connaissons peut être pas, mais qui, à l’international, reçoivent leur consécration bien méritée. C’est le cas du Docteur Yosra Messai, chercheuse à l’INSERM (Institut National de la Sante´ et de la Recherche Médicale. France).

Yosra s’investit dans la recherche sur le cancer du rein, en particulier, et plus précisément sur le traitement de ce dernier, dont elle vient de découvrir une piste sérieuse, demuis plusieurs années. Ces travaux ont été qualifiés par la communauté scientifique internationale  « d’apport capital dans la prise en charge des patients atteints de Cancer du rein ».  Faisons connaissance avec le Dr Messai,  à qui nous souhaitons encore plus de succès dans sa carrière et dans sa vie, elle nous parle de ses  recherches, ses découvertes et  ses débuts à Tunis.

 

A la recherche du traitement du cancer du rein

« Très récemment, la piste de l’immunothérapie pour le traitement des cancers rénaux a ressuscité intérêt et enthousiasme des médecins et scientifiques. Alors que les chimiothérapies ciblent les cellules cancéreuses, les immunothérapies visent, elles, à redonner au système immunitaire les capacités à « se battre » efficacement contre les cellules cancéreuses. Parmi les méthodes développées, celle dite des « check-point inhibitors » a pour but de lever les blocages que la tumeur provoque sur les cellules immunitaires. Le nivolumab est un anticorps monoclonal qui cible spécifiquement ce système de blocage immunitaire PD-1/PD-L1. D’une manière très intéressante cet anticorps « anti-PD-L1 » a démontré une augmentation de la survie globale des patients atteints de cancers rénaux et présentant des métastases. Dans ce contexte, je me suis intéressée au rôle des mutations du gène suppresseur de tumeur VHL (mutations présente dans 70-90 % des patients atteints de carcinomes rénaux à cellules claires) sur l’expression du marqueur PD-L1 au niveau des cellules tumorales rénales. Ces recherches m’ont d’abord permise d’observer une corrélation entre la perte de fonction de la protéine VHL et une expression augmentée du PD-L1 tumoral et ce chez des patients atteints de carcinome rénal à cellules claires et au niveau de lignées tumorales rénales établies au laboratoire. J’ai pu ensuite découvrir les mécanismes de régulation de l’expression de PD-L1 par le gène suppresseur de tumeur VHL. J’ai en effet montré que cette régulation passe via la surexpression du facteur de transcription HIF-2α et j’ai démontré pour la première fois que PD-L1 était une cible directement régulée par HIF-2α. Ces résultats sont d’un apport capital dans la prise en charge des patients atteints de carcinomes rénaux par les nouvelles thérapies immunitaires ciblant les molécules check-point : PD-1/PD-L1 et ont été publiés en décembre dernier dans la revue spécialisée de renommée « European journal of urology ».

Les débuts à Tunis

« Après l’obtention de mon baccalauréat scientifique avec mention, j’ai entrepris des études en Sciences de la vie à la faculté des Sciences de Tunis ayant abouti à la délivrance d’un diplôme de maîtrise puis un diplôme de Mastère en « Génétique et biologie moléculaire » avec la mention très bien.  J’ai engagé ensuite une thèse en cotutelle entre la Faculté des Sciences de Tunis et l’université Pierre et Marie Curie à Paris, sous la co-direction du Pr Amel Ben Ammar Elgaaeid et du Dr Salem Chouaib. Mes travaux de thèse ont porté sur la réactivité lymphocytaire différentielle vis-à-vis d’une cellule tumorale rénale primitive versus métastatique. J’ai ainsi pu démontrer que l’expression de la cytokératine 18 et du facteur de transcription Snail étaient significativement corrélées à la progression des cancers rénaux chez les patients et à un phénotype métastatique, mésenchymateux hautement invasif au niveau des cellules tumorales rénales en culture. Mes travaux de recherche ont abouti à deux publications internationales et à l’obtention d’un diplôme de doctorat de l’université Paris VI et de la faculté des Sciences de Tunis.

 

La recherche : une activité de longue haleine

Mes activités de recherche durant mes stages post-doctoraux ont porté sur la résistance des cancers rénaux à la lyse par les cellules effectrices du système immunitaire, notamment en élucidant les rôles multifonctionnels de la protéine VHL dans le microenvironnement des tumeurs rénales. J’ai ainsi pu démontrer que l’expression constitutive de HIF-2, conséquence de la mutation VHL, était responsable de la résistance des cellules tumorales rénales à la mort induite par les cellules NK. J’ai poursuivi l’étude pour savoir par quels mécanismes HIF-2 serait capable de conférer cette résistance aux cellules tumorales rénales et j’ai ainsi pu démontrer que le gène ITPR1 était une cible directe de HIF-2. Ce gène ITPR1, exprimé au niveau des cellules mutées en VHL, induit une autophagie au niveau des cellules tumorales lorsqu’elles sont au contact des cellules immunitaires NK, mécanisme via lequel les cellules tumorales rénales résistent à la lyse médiée par les NK. J’ai pu confirmer ces résultats in vivo en mettant en évidence que l’inhibition de l’ITPR1 dans les tumeurs rénales murines RENCA augmentait significativement la régression tumorale dépendante des NK.

J’ai poursuivi la caractérisation de variants tumoraux  résistants à la lyse spécifique en m’intéressant à l’influence de l’hypoxie sur l’émergence d’un phénotype tumoral dédifférencié souche susceptible de contribuer à la résistance tumorale à la lyse spécifique. Dans ce cadre, j’ai participé activement à l’étude du rôle de NANOG, molécule associée au phénotype souche, dans l’adaptation cellulaire au stress hypoxique et à la résistance tumorale à la lyse par les cellules T en hypoxie et à la régulation de l’infiltrat tumoral en cellules immunitaires régulatrices. Dans ce même contexte, je me suis intéressée à la molécule CD105, récemment identifiée comme étant une nouvelle molécule associée au phénotype souche des cellules tumorales rénales. Sur une série de 102 patients atteints de carcinome rénal à cellules claires, j’ai analysé par immunohistochimie l’expression du CD105 au niveau des cellules endothéliales et au niveau des cellules tumorales. J’ai ensuite corrélé l’expression du CD105 tumoral avec les paramètres clinico-pathologiques des patients et j’ai ainsi pu démontrer que le CD105 tumoral est un facteur prédictif indépendant de mauvais pronostic dans les carcinomes rénaux à cellules claires. Mes travaux ont fait l’objet de publications dans plusieurs revues scientifiques internationales ».

Propos recueillis par Samira Rekik pour Africaine-santé

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