Le paracétamol est-il dangereux pour la santé ?
Plusieurs médias ont relayé une info affirmant des risques à long terme du paracétamol. Qu’en est-il au juste ?
Tout part d’une publication en ligne du 2 mars 2015 de la revue britannique Annals of the Rheumatic Diseases, accompagnée d’un communiqué de presse. Il s’agit plus précisément d’un revue générale de la littérature (et non d’une méta-analyse) portant sur les études observationnelles ayant répertorié des événements défavorables pouvant être attribués au paracétamol chez l’adulte en comparant dans une même cohorte les patients ayant pris du paracétamol (à des doses autorisées) et ceux qui n’en avaient pas pris.
Selon des experts indépendants, les résultats bruts, sont difficiles à analyser de façon globale puisqu’ils ont été présentés de façon brouillonne et anarchique. Les travaux n’ont pas été menés de façon scientifique
1) Les sujets inclus dans ces études ne sont pas nécessairement représentatifs de la population (dans 5 cas sur 8 il s’agissait de médecins ou d’infirmières).
2) Le « niveau de preuve » de ces publications est, d’une façon générale, faible comme pour toute étude observationnelle.
3) Les méthodes utilisées dans ces travaux pour déterminer la dose de paracétamol consommée (et donc pouvoir faire état d’une relation dose-effet) sont hétérogènes avec dans 6 cas sur 8 une autoévaluation par le sujet dont on connaît le caractère très imprécis.
4) L’hypothèse d’une cause commune (ou d’une association) entre le risque cardiovasculaire, rénal ou digestif et la pathologie ayant conduit à la prise de paracétamol n’est pas envisagée. Or il est vraisemblable que les sujets ayant une arthrose (qui sont parmi les plus grands utilisateurs de paracétamol) sont également à haut risque d’événements cardiovasculaires, d’ulcère gastro-duodénal, d’insuffisance rénale en dehors de toute prise médicamenteuse. De même on peut supposer que les sujets prenant du paracétamol plus de 22 jours par mois sont atteints de pathologies qui peuvent diminuer leur longévité !
5) La plausibilité biologique de certains de ces effets secondaires est relativement faible en particulier pour le risque cardiovasculaire au long cours.
6) Aucune étude cas témoins et aucun essai randomisé n’ait été inclus dans cette revue générale ce qui aurait considérablement accru le niveau de preuve de ce travail.
A partir de ces données peut-on affirmer qu’il existe une toxicité cardiovasculaire et/ou rénale et/ou digestive liée à une utilisation au long cours du paracétamol, comme l’on fait immédiatement nombre de médias grand public créant l’anxiété chez des millions de consommateurs. Non !
En Conclusion
Au delà du cas spécifique du paracétamol, ce type de publication pose deux questions :
1-Celle de la qualité de la révision des manuscrits dans certaines revues internationales réputées.
2-Et celle de la capacité de nombre de rédactions de médias grand public d’analyser sereinement et avec un esprit critique les résultats de travaux complexes ou de qualité médiocre (comme c’était le cas ici).
Pour finir, rien ne prouve que le paracétamol est dangereux pour la santé, s’il est correctement prescrit.
Africaine-santé