Bien connaitre la maladie de Lyme : de plus en plus fréquente en Tunisie

La maladie de Lyme est une maladie transmise à l’homme par une piqûre de tique.  Elle est considérée comme une maladie émergente, car non évoquée par la littérature ancienne, alors que le nombre de tiques, de tiques infectées, et/ou le nombre de patients infectés semblent (depuis quelques décennies) rapidement augmenter en Amérique du Nord (environ 3 millions de cas des années 1970 aux années 2000), tout comme en Europe et peut-être en Afrique.

Aux Etats-Unis, où 90% des cas sont recensés dans les états de la côte Est, près de 10 000 cas sont signalés chaque année.

En France, l’incidence moyenne serait, selon une étude faite à partir d’un réseau de médecins sentinelles, de 16,5 pour 100.000 (Dournon 1989).

En Belgique, on décrit plus de 500 nouveaux cas de borréliose caractérisée chaque année (Godfroid 1995).

En Tunisie, quelques cas cliniques confirmés par la sérologie ont été décrits. Récemment une équipe de l’Institut Pasteur de Tunis a pu isoler et identifier plusieurs souches de Borrelia burgdorferi sp et ce à partir des tiques Ixodes ricinus avec une prévalence de l’ordre de 30 %. Ces espèces de tiques qui véhiculent Borrelia sont fréquentes dans les régions forestières de Tunisie particulièrement celles du Nord-ouest qui présentent un climat favorable à leur développement (Bouattour et al, 2000, Arch IPT). Le ministère de la santé en Tunisie a élaboré un guide de conduite à tenir devant une maladie liée à l’environnement dont  la maladie de Lyme, destiné aux thérapeutes et dont nous nous sommes largement inspirés pour réaliser cet article.

TRANSMISSION

L’agent causal

Cette maladie est causée par au moins 03 espèces  de tiques du genre Borrelia :

– Borrelia burgdorferi sp,  responsable surtout des arthrites de Lyme et des douleurs de type rhumatismal

– Borrelia afzelii, considérée comme étant plutôt dermatotrope (ciblant la peau en y provoquant notamment l’acrodermatite chronique atrophiante et des symptômes évoquant ceux d’un lichen plan

Borrelia garinii, considérée comme plutôt neurotrope (ciblant les nerfs)

 

Les vecteurs

C’est  le plus souvent au stade de nymphe  que se fait  l’infection de l’hôte. Il n’est pas facile à détecter en raison de sa petite dimension.

Les stades adultes sont actifs en automne et au début de l’hiver tandis que les larves et les nymphes sont retrouvées sur la végétation entre le mois d’Avril et le début du mois de Juillet

Toutes les tiques ne sont pas vectrices de la borréliose de Lyme.

En Tunisie, Ixodes ricinus est la tique qui infeste le plus fréquemment les citoyens des zones forestières. Ces tiques, qui se nourrissent de sang, sont à peu près de la taille d’une graine de sésame (3 mm à 5 mm de longueur) et la couleur de leur corps varie entre le rouge et le brun.

Le cycle de transmission

Au fur et à mesure de l’ingestion de sang, les tiques peuvent augmenter leur volume jusqu’à 8 fois leur taille originale. Elles évoluent en trois phases (larve, nymphe et adulte) séparées chacune par un repas sur un hôte.

La bactérie Borrelia burgdorferi sp, responsable de la maladie de Lyme, est transmise principalement par la piqûre d’une tique appelée Ixodes scapularis aux USA. En Europe et en Afrique du Nord, c’est Ixodes ricinus qui transmet Borrelia.

Pour qu’il y ait transmission de la bactérie, il faut d’abord que la tique elle-même soit infectée. Le risque de transmission augmente avec le temps de contact lors de la piqûre (habituellement le risque est plus élevé après 48 heures d’attachement à l’hôte).Il est donc très important de retirer la tique de la peau le plus tôt possible, en ayant soin de ne pas l’écraser au moment du prélèvement.

Les Ixodes vivent généralement dans les régions boisées ou les hautes herbes. Elles ont un cycle de développement qui dure environ deux ans, pendant lequel on peut les retrouver sous trois stades : larve, nymphe et adulte (mâle et femelle). Elles doivent trouver un hôte, animal ou humain, pour effectuer un « repas sanguin » à chacun des stades d’évolution afin de passer au stade suivant après mue ou, pour les femelles adultes, pour pouvoir pondre leurs oeufs. Durant leur « repas sanguin », les tiques engorgées augmentent de volume de façon significative, ce qui les rend plus facilement décelables.

En Tunisie, les lézards (Psammomys Algeris) sont les hôtes les plus fréquents pour les stades immatures (larves et nymphes). En Europe ce sont les rongeurs et les oiseaux. Ces hôtes sont considérés comme les principaux réservoirs animaux de la bactérie. Pour le stade adulte, l’hôte le plus fréquent est le cerf de Virginie sur lequel peut avoir lieu la phase de reproduction des tiques, alors qu’en Tunisie se sont les bovins et les ovins qui jouent le rôle d’hôtes. On peut également retrouver ces différents stades sur les animaux domestiques et, occasionnellement chez les humains. Les tiques doivent demeurer sur leur hôte de deux à cinq jours ou plus, selon le stade, pour compléter leur « repas sanguin ». Elles ont alors tout intérêt à ne pas causer de désagrément à leur hôte au moment de la piqûre, pour éviter de se faire repérer. Les nymphes, de plus petite taille, transmettent plus fréquemment la bactérie à l’homme que les formes adultes puisqu’elles passent plus facilement inaperçues et peuvent ainsi demeurer plus longtemps attachées à leur hôte. De plus, elles sont présentes dans l’environnement durant le printemps et l’été, période où les activités extérieures sont plus fréquentes. Les adultes sont surtout présents dans l’environnement durant l’automne et le début de l’hiver.

Les hôtes

En Afrique du Nord, les petits ruminants (bovins et ovins) sont les hôtes des adultes. Le cerf de berberie et les sangliers sont aussi parasités par les adultes d’Ixodes.ricinus. Les immatures sont retrouvés sur les lézards (Psammomys Algeris) et les oiseaux.

En Europe, ce sont les cervidés qui sont hôtes des adultes, les rongeurs et les oiseaux hébergent les formes immatures.

Les Manifestations cliniques

1°/ Manifestations primaires

Au stade primaire survient une lésion cutanée, 3 à 30 jours après la morsure, c’est l’érythème migrant chronique de Lipschutz (EMC). C’est une lésion annulaire, non inflammatoire, peu ou pas prurigineuse, centrée par le point de piqûre, plus claire dans la partie interne qu’en bordure et qui évolue de façon centrifuge, pouvant atteindre jusqu’à 10 cm de diamètre. Cet érythème migrant se voit dans 50% des cas. Il disparaît spontanément, sans traitement, après 3 à 4 semaines, Asthénie, fébricule (petite fièvre), céphalées ou myalgies (douleurs musculaires) peuvent survenir lors de cette phase.

2°/ Manifestations secondaires :

– Troubles neurologiques : méningite lymphocytaire, parfois isolée ou associée à des douleurs radiculaires, des troubles de la sensibilité et des atteintes des nerfs périphériques et crâniens (syndrome de Garin-Bujadoux-Bannwarth)

-Troubles cardiaques : l’atteinte cardiaque survient en moyenne 3 semaines après l’apparition de l’érythème migrant. Elle peut se manifester sous forme de troubles de la conduction et une péricardite.

-Troubles articulaires : elles peuvent survenir de quelques jours à quelques mois après l’apparition de l’érythème migrant, lorsqu’il existe. Ce sont des mono- ou des oligo-arthrites des grosses articulations survenant brutalement. Le genou est touché avec prédilection, il devient chaud, rouge, gonflé et douloureux.

-Atteintes pulmonaires : le patient qui se plaint de dyspnée après avoir été exposé aux morsures de tiques n’est pas forcément victime d’une cardiomyopathie obstructive congestive. La borréliose de Lyme peut aussi entraîner des complications pulmonaires, occasionnant la même symptomatologie.

-Manifestations ophtalmiques : Toutes les structures de l’oeil peuvent être concernées, les manifestations cliniques sont très variées et peuvent prendre la forme de toutes les atteintes ophtalmiques possibles (conjonctivite fréquente et précoce, kératite, épisclérite tardive, uvéite, névrite ophtalmique, cécité, paralysie des muscles). Aucune de ces atteintes n’étant spécifique, le diagnostic doit rester présumé tant que la présence de la bactérie n’a pas pu être confirmée dans l’oeil.

3°/ Manifestations tertiaires

La phase tertiaire survient des années après l’érythème migrant, les atteintes dermatologiques, neurologiques et rhumatologiques dominent là aussi. Par contre, la nocivité de la bactérie se révèle surtout par les réactions immunologiques qu’elle a provoquées, et qui demeurent encore mal comprises.

4°/ Syndrome Post Maladie de Lyme (PML)

Le syndrome « post-Lyme », appelé par excès « Maladie chronique de Lyme », correspond à l’association d’une asthénie (fatigue), d’algies diffuses (douleur) et de plaintes cognitives (troubles de la mémoire et de l’attention) alléguées au décours d’une infection à B. burgdorferi documentée sur le plan biologique et correctement traitée. Plusieurs arguments conduisent actuellement à ne pas retenir la responsabilité d’une infection active à B. burgdorferi dans ce syndrome : un examen neurologique normal, l’absence d’anomalies objectives au plan cognitif et l’absence d’efficacité de la reprise d’un traitement antibiotique.

Diagnostic

Le diagnostic de borréliose de Lyme repose, d’abord et avant tout, sur la clinique. Toutefois, excepté lors de l’érythème migrant pathognomonique (caractéristique), il doit toujours être confirmé par la biologie.

Le diagnostic biologique repose sur la détection dans le sang ou le Liquide Céphalorachidien d’anticorps dirigés contre des antigènes boréliens.

TRAITEMENT

Pour les « Erythèmes migrants simples» la conférence de Consensus Lyme Française préconise le recours à l’une des prescriptions suivantes :

-Amoxicilline : 3 fois 1g chez l’adulte et 50 mg/kg/jour chez l’enfant pendant 14 à 21 jours.

-Doxycycline : 2 fois 100 mg chez l’adulte et 4 mg/kg/jour (enfant > 8 ans) pendant 14 à 21 jours. -Azithromycine : 1 fois 500 mg chez l’adulte et 20 mg/kg/jour chez l’enfant pendant 10 jours.

Pour les érythèmes migrants associés à des manifestations secondaires précoces, on préconise une durée de traitement de 21 jours.

Pour les formes tardives, il faut envisager une antibiothérapie prolongée, à forte pénétration tissulaire.

L’abstention thérapeutique est de règle lors de la découverte de séropositivités asymptomatiques.

Prévention

Il s’agit de prendre certaines précautions telles que :

– Porter des vêtements couvrant la plus grande partie de la peau : manches longues, pantalons, chaussettes, bottes.

-Enduire les parties de la peau non couvertes par un produit répulsif contre les Insectes sachant que cela ne procure pas une protection absolue : le produit s’évapore de la peau rapidement et les tiques peuvent rechercher des parties de la peau non enduites.

-Rester sur les sentiers et éviter de se frotter contre les herbes et les plantes sur lesquelles les tiques sont en attente du passage d’un hôte.

-Contrôler la peau après toute exposition possible pour détecter rapidement les tiques attachées. Extraire la tique de la peau le plus rapidement possible après son attachement.

Aucun traitement préventif et aucun examen biologique n’est nécessaire après une morsure de tique. Seule une surveillance s’impose pour déceler l’apparition éventuelle d’un érythème migrant et consulter un médecin en cas d’apparition d’une tâche cutanée qui s’étend au niveau d’un point de morsure, Enfin plusieurs vaccins ont été testés et utilisés mais leur efficacité n’a pas été confirmée.

Africaine-santé

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