Covid-19 : l’Afrique joue la carte de l’e-santé

L’annonce du premier cas de coronavirus en Afrique subsaharienne, annoncé le 28 février au Nigeria, a déclenché la riposte africaine. Entre confinement, couvre-feu, fermetures des lieux publics et suspension des vols internationaux, les dirigeants du continent s’efforcent depuis de contenir l’épidémie. Mais malgré les mesures, le nombre de cas va croissant. De la voix du directeur de l’OMS, l’Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, l’Afrique doit même « se préparer au pire ». Car le continent, qui manque d’infrastructures de santé et de personnel soignant, ne peut se permettre une pandémie telle que vécue en Italie, en Espagne ou en France.

L’e-santé comme recours

Face à cette situation, l’Afrique semble vouloir compter en revanche sur l’outil numérique, une démarche qui pourrait se révéler très utile en temps de crise sanitaire. Il s’agit en l’occurrence de l’e-santé. Ces dernières années, le secteur s’est beaucoup développé en Afrique. Les initiatives en ce sens ont essaimé, pour compenser le manque de personnel soignant – selon le Club Santé Afrique, le continent compte deux médecins pour 10 000 habitants (contre 32 en Europe) – et d’infrastructures de santé.

Dans le contexte actuel, le dynamisme du secteur est une carte à jouer pour plusieurs pays du continent, dont le Kenya. Le 22 mars dernier, les autorités ont installé au sein de l’hôpital national de Kenyatta, à Nairobi, un centre de télémédecine dédié à la lutte contre le Covid-19.

Le Kenya ouvre la voie…

Le premier du genre en Afrique, selon le secrétaire du cabinet pour la Santé du Kenya, Mutahi Kagwe. Les médecins et spécialistes dépêchés analyseront, 24 heures sur 24, les résultats d’examen de 47 comtés du pays, en plus de collecter les données liées au dépistage. « Grâce à cette technologie, les résultats des tomodensitogrammes [une technique plus poussée que la radiologie, qui allie rayons X et technologie informatique] seront interprétés ici, au lieu d’envoyer des radiologues dans tout le pays », a déclaré Mutahi Kwage.

Une plateforme d’apprentissage lancée par le ministère de la Santé, en partenariat avec l’ONG Amref, a également été mise en ligne. Le but : informer les communautés sur la situation sanitaire, et lutter contre les fausses informations relatives au coronavirus. LEAP, c’est son nom, peut également être utilisé par le personnel médical, qui grâce aux informations contenues pourra identifier et isoler un cas suspect. Si la e-santé semble faire partie intégrante du plan de lutte contre le Covid-19 au Kenya, c’est que le pays « est en avance sur la digitalisation de l’économie en général », affirme Emmanuel Blin, PDG de Tech Care For All, entreprise spécialisée dans la technologie en santé digitale pour les pays du Sud.

dans un environnement où l’Afrique a un beau potentiel

Mais cela n’empêche pas d’autres États, certes moins en pointe sur la question, de se tourner eux aussi vers la e-santé. Car le potentiel africain en la matière est une réalité. Pour John Nkengasong, directeur de l’Africa CDC de l’Union africaine, le secteur peut « jouer un rôle extrêmement important pour l’Afrique, devenir un vrai challenge. C’est, je vous le confirme, une piste que l’on explore avec beaucoup d’attention, avoue-t-il. Nous sommes actuellement à la recherche de partenariats avec d’autres organisations. L’objectif est de développer la télé-médecine sur le continent pour nous aider à lutter contre le Covid-19 ».

Emmanuel Blin confirme : « La grande majorité des gouvernements ont mis en place une commission digitale dans leur plan de lutte contre le Covid-19. Pour les aider dans cette démarche, ils pourront s’appuyer sur l’écosystème des start-up locales, très solide dans certains pays. » Au Nigeria par exemple, l’application InStrat Global Health Solutions fournit déjà des informations sur le coronavirus a plus de 20 000 agents de santé, répartis dans dix États du pays. Disponible en langues locales, l’application met régulièrement à jour son contenu, basé sur les recommandations de l’OMS et des agences de santé publique. Des renseignements précieux, qui permettent au personnel médical de pouvoir identifier, puis isoler de potentiels cas de coronavirus.

 

De la formation et du dépistage connecté

« La formation aux soignants est un des bénéfices les plus importants, si ce n’est le plus important, de la e-santé en Afrique, abonde le PDG de Tech Care for All. Les médecins, mais aussi les agents de santé communautaires doivent pouvoir déceler d’éventuels malades, et les prendre en charge. Ce qui empêche, de fait, une propagation de l’épidémie. » Autre outil très utile que peut apporter la e-santé, les tests connectés. Car si le dépistage est indissociable de la prévention au coronavirus, il perd toute utilité si les données prélevées ne sont pas transmises et centralisées. « Si l’on veut piloter la lutte contre l’épidémie, détecter les foyers, il faut mettre en place un système de collecte de l’information, à travers une application par exemple », estime Emmanuel Blin.

C’est donc surtout dans le domaine de la prévention que la e-santé a une carte à jouer. Et cela tombe bien, car c’est en amont que l’Afrique – dont les systèmes de santé restent fragiles – pourra endiguer l’épidémie. « Aujourd’hui, beaucoup de start-up dédiées à la e-santé peuvent contribuer à la lutte contre le Covid-19, assure le PDG. Même si les investissements dans le matériel médical sont prioritaires, des investissements dans la e-santé, qui ont déjà eu cours au Kenya et au Sénégal, peuvent vraiment être bénéfiques, et venir en appui à la lutte contre le coronavirus. » Reste à savoir si les gouvernements tiendront le pari.

Source:https://www.lepoint.fr/

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